Interview de Fernand Donzé (16 février 1923 – 8 février 2011), réalisée à son domicile le samedi 4 décembre 2010

Loyse Renaud Hunziker (LR) : Dans cette interview, nous allons évoquer l’enfance et la formation de Fernand Donzé, puis son engagement politique, ses mandats, les points forts de son action et quelques événements marquants.

Pour commencer, dis-nous quelques mots de ton enfance et de ton adolescence.

Fernand Donzé (FD) : J’ai eu une enfance très heureuse, dans une famille où l’on s’entendait bien. Mon père était un type admirable, ouvert aux autres, modeste. Il était ouvrier horloger chez Schwarz Etienne. J’avais deux frères et une sœur. Hélas, mon père est mort quand j’avais 15 ans. Ça a été vraiment un drame pour moi de le perdre en 1938. Et ma mère, très courageusement, s’est débrouillée avec ses trois enfants, malgré la mort du papa.

LR : 4 enfants !

FD : A oui, je ne me comptais pas... Après, il a fallu choisir un métier. Je n’étais pas trop mauvais à l’école, je voulais apprendre, et on m’a mis à l’Ecole normale. Ensuite j’ai fait les stages pour devenir instituteur. J’ai été à l’armée à 19 ans, je n’ai pas été objecteur, je m’excuse auprès de ceux qui auraient pu attendre ça de moi. En quittant l’armée à 20 ans, un jeune instituteur ne trouvait pas de travail. Le directeur des écoles de l’époque, Gaston Schelling, un camarade, qui m’aimait beaucoup, m’a dit : «Je n’ai pas de place pour vous, mais je vais voir avec mon ami Jules Baillods, il cherche quelqu’un pour la Bibliothèque. ». Je suis entré à la Bibliothèque comme ça, par la petite porte.

LR : C’était en 1943.

FD : Oui, exactement.

LR : Et en quoi consistait ce travail, puisque tu n’avais pas la formation de bibliothécaire à ce moment-là ?

FD : Enlever la poussière ! Non, je plaisante. Jules Baillods était un vieux monsieur érudit qui avait été professeur à l’Ecole de commerce et qui se fichait comme de colin-tampon de sa Bibliothèque. Il venait l’après-midi, il recevait sa maîtresse par une petite porte… Il laissait faire. Assez jeune, c’est moi qui ai dirigé, parce que moi, j’avais une idée de ce que l’on pouvait faire de cette Bibliothèque. Mais c’est Jules Baillods qui m’a dit : « Donzé, vous allez me succéder, et pour ça il vous faut un titre universitaire.» C’est ainsi que je suis allé à l’Université, et puis il est mort avant que j’aie terminé mes études.

LR : Donc, tu as commencé à faire des études de lettres à Neuchâtel, et tu as choisi quelles disciplines?

FD : Le français bien sûr, le vieux français, l’histoire, la géographie et la philosophie. C’est là que j’ai rencontré Marx… parce que j’ai suivi un cours sur Marx.

LR : Tu as obtenu ta licence en 1953, et c’est donc le moment où tu as été nommé directeur de la bibliothèque.

FD : J’ai été nommé avant d’avoir obtenu ma licence, en 1952. Et j’ai été opposé à ce moment-là à mon ancien professeur de français, Pierre Hirsch, membre du Parti, je tiens à le préciser, parce que je n’ai pas été au bénéfice d’un copinage quelconque. La place était libre après la mort de Jules Baillods

LR : Et pour quelles raisons as-tu été préféré à Pierre Hirsch?

FD : Il y avait un arrière-fond politique. Pierre Hirsch était très lié avec les popistes d’alors, comme Jean Steiger et André Corswant, qui étaient plutôt staliniens. Il y a eu un front contre lui, composé d’une bonne partie des socialistes et des bourgeois, alors que l’autre partie des socialistes et les popistes auraient préféré Pierre Hirsch.

LR : Mais était-ce seulement l’arrière-fond politique ou y avait-il aussi des compétences différentes ?

FD : Moi, j’avais 10 ans de pratique de la Bibliothèque, Hirsch rien du tout…

LR : Et c’est un peu près à ce moment-là que tu es entré au Parti, une année après, en 1953. Pourquoi ?

FD : C’est difficile de dire pourquoi exactement, ça vient de mon milieu, milieu modeste, père syndiqué. Mon frère Willy, qui est devenu Conseiller d’Etat à Genève, était au bénéfice de petits boulots à la Coopé que lui procurait le directeur d’alors, André Vuilleumier, qui était son copain. Willy est entré au Parti la même année que moi. Ce n’était pas encore très politique, c’était la conséquence de notre environnement.

LR : Quel a été ton premier mandat politique ?

FD : Je ne cherchais pas les mandats politiques. Je suis entré au Parti pour pouvoir discuter. Ce qui m’intéressait, c’était les idées. Mon premier mandat a été celui de Conseiller général en 1956. Je n’y ai pas spécialement brillé. Je me souviens même d’une petite leçon que m’avait donnée un Conseiller général  nommé Carlos Grosjean, qui était le père de celui dont on parle aujourd’hui, qui veut faire passer la circulation par dessus la montagne. Je le répète, je n’ai jamais recherché les mandats politiques.

LR : Pourquoi  as-tu dû quitter le Conseil général ?

< style="text-align:justify">FD : Parce qu’une motion des radicaux, qui interdisait aux employés communaux de siéger dans les Conseils généraux, avait été acceptée au Grand Conseil

 

LR : Ensuite tu as siégé trois législatures au Grand Conseil, de 1961 à 1973.

FD : Merci de me le rappeler, j’avais oublié

LR : Quels ont été tes principaux combats ?

FD : Celui pour le Bibliobus a été très important. C’était pour servir mon métier, pour diffuser la culture dans tout le canton, parce que je trouvais injuste que seuls les gens des villes aient une Bibliothèque. Ça a été un combat que j’ai dû mener contre les radicaux. Je ne sais plus lequel des radicaux avait dit : « Oh, c’est très bien, ce qu’il dit Monsieur Donzé, mais son Bibliobus, c’est trop cher ! » Voilà les arguments, c’est très radical d’ailleurs, ça. Et puis j’ai fait d’autres choses, mais je ne me souviens plus.

LR : Le Bibliobus a été ton combat essentiel, et il a quand même duré longtemps, parce qu’entre le moment où l’on dépose une motion et le moment où elle est débattue, il s’écoule pas mal de temps.

FD : J’ai aussi dû me battre contre mes camarades socialistes, qui auraient voulu que je sois candidat au Conseil d’Etat en 1965.

LR : On en parlera un peu plus tard, de ces élections de 1965.

FD : Comme tu veux, mais ça m’a aussi occupé au Grand Conseil !

LR : En quoi ton engagement socialiste a-il influencé ta manière de diriger la Bibliothèque ?

FD : Tout cela ne faisait qu’un pour moi, et on aurait presque pu me le reprocher. Je dirigeais la Bibliothèque dans une perspective socialiste, égalitaire.

LR : Concrètement, sur le terrain…

FD : Tout d’abord, j’ai réorganisé le placement des livres. Autrefois, ils étaient placés sur les rayons par ordre d’entrée, le 21365 et le 21366… Le public n’avait pas accès aux livres. Le client  tendait un billet où il avait inscrit le titre désiré, et une bibliothécaire allait chercher le livre. Elle le trouvait ou elle ne le trouvait pas. Si elle n’avait pas envie de monter les échelles, elle disait : « Il est sorti ! ». Et puis j’ai introduit la gratuité. Auparavant, elle était payante, la Bibliothèque ! La présentation des livres et le libre accès aux rayons, pour moi, c’était capital.

LR : Et la salle de lecture ?

FD : Il a fallu l’aménager, installer ce que l’on a appelé les  usuels, les ouvrages de consultation. Quand j’ai commencé, il y avait un seul ouvrage en libre consultation, c’était le Larousse du 19ème siècle en six volumes. Tous les autres, il fallait les demander. Je la vois encore, cette salle de lecture…

LR : Parle-nous maintenant de la venue de Vincent Auriol en 1959, qui a été un grand moment de ta carrière.

FD : Au Parti, occuper un siège, monter en grade, ça ne m’intéressait pas. J’avais créé un groupe d’étude socialiste. En France, c’était la pagaille, c’était l’ignoble Guy Mollet qui dirigeait la SFIO. On ne pouvait pas le sentir. J’avais écrit aux responsables français pour dire notre indignation suite à la condamnation d’André Philip, non parce qu’il ne suivait pas la discipline du Parti, mais parce qu’il avait écrit un livre « Le socialisme trahi ». Cela m’avait donné accès à toutes sortes de contacts avec les socialistes français. J’ai fait venir André Philip, et d’autres dont j’ai oublié les noms…[1]

LR : Mais Vincent Auriol, il y avait une raison de le faire venir à ce moment-là.

FD : Oui, c’était le centenaire de la naissance de Jaurès en 1959. Au Parti, on parlait beaucoup de Jaurès, mais on ne savait pas qui c’était. Alors, en qualité de bibliothécaire, j’ai organisé une exposition pour le centenaire de sa naissance, et je souhaitais avoir quelqu’un de bien pour l’ouverture. Je me suis lancé avec l’appui d’Edouard Depreux, que je connaissais bien et qui était Président du PSA. On a fait venir Vincent Auriol[2]. C’était formidable qu’il accepte l’invitation de ces obscurs Chaux-de-Fonniers, qu’il accepte de venir leur parler de celui qu’il avait fréquenté, qu’il connaissait très bien. Et voilà comment tout ça s’est fait.

LR : Il avait quel âge à ce moment-là ? C’était déjà un vieux monsieur ?

FD : Dans la cinquantaine.

LR : Dans la cinquantaine ?

FD : J’ai assez de bouquins où l’on pourrait retrouver ça, mais je ne veux pas faire étalage de pédanterie.[3]

LR : Ensuite, il y a eu l’aventure de la Nouvelle Gauche. Est-ce que tu y as été impliqué peu ou prou ?

FD : Peu ! Alors là, vous avez un spécialiste, c’est Raymond Spira, il peut vous en parler. J’étais partisan de l’apparentement avec la Nouvelle Gauche. J’avais toujours refusé l’apparentement avec les popistes, qui étaient des staliniens à l’époque, tandis qu’avec la Nouvelle Gauche ça me paraissait normal. On a eu de bons contacts, tellement bons que toute la Nouvelle Gauche est venue au Parti.

LR : Combien de temps cela a-t-il duré ?

FD : 3-4 ans.[4]

LR : Ils ont eu le temps de participer à des élections communales et cantonales, puisqu’ils ont eu des Conseillers généraux et des députés.

FD : Je me souviens qu’ils étaient 3 au Grand Conseil, il y avait Pierre Hirsch, il y avait…  oh je ne sais plus !

LR : Il y avait Jacques Kramer.

FD : Jacques Kramer et le troisième … c’était des intellos ![5]

LR : Et puis tu es devenu président cantonal du Parti, est-ce que tu peux nous dire dans quelles circonstances ?

FD : C’était des circonstances tristes ! Je ne briguais pas ce poste, qui était occupé par Marcel Berberat, le père de Didier. Il a eu la mauvaise idée de mourir jeune, en pleine activité. C’était une mort soudaine et inattendue, il fallait le remplacer et tout le monde se défilait. J’ai accepté, et je suis devenu président dans ces circonstances tragiques.

LR : Et tu l’es resté à peu près 6 ans

FD : De 64 à 71, sauf erreur.[6] Et j’ai eu du plaisir à faire ça !

LR : C’est un mandat de longue durée ! Aujourd’hui, il est rare qu’un président reste aussi longtemps.

FD : Cela m’a permis de connaître un peu tout le monde dans cette République et canton.

LR : Maintenant, raconte-nous comment les socialistes ont gagné un deuxième siège au Conseil d’Etat en 1965, parce que tu as été très actif dans cette opération.

FD : Il semblerait que j’aurais dû poser ma candidature, et je me rappelle de l’arrivée au Grand Conseil de Fritz Bourquin, qui sans autre préavis est venu vers moi et m’a dit : « T’es un con ! » J’ai répondu : « Quoi ? » «T’es un con ! Tu devrais te présenter au Conseil d’Etat !» J’ai rétorqué : « Non, ça ne m’intéresse pas ! ». Alors, il fallait trouver quelqu’un. Il y avait eu en France, à Grenoble, l’élection d’un socialiste dont j’ai oublié le nom, qui était peu connu par son action politique, et qui n’était pas un militant de pointe.[7] Il nous avait servi de modèle, on cherchait quelqu’un qui soit connu non pour des activités militantes au Parti, mais plutôt pour son action sociale. Et je me suis souvenu que l’on me vantait beaucoup un dénommé Rémy Schläppy, qui était directeur du home d’enfants à La Chaux-de-Fonds. Alors, un beau matin, j’ai donné rendez-vous à Schläppy, on s’est retrouvé à la Channe valaisanne, et je lui ai exposé mon problème. Il demandé à réfléchir, puis il m’a dit qu’il était d’accord d’assumer la responsabilité d’être le candidat du PS pour la prochaine élection.

LR : Il faut bien préciser qu’à ce moment-là le PS avait un seul siège et qu’on considérait comme mission impossible d’en gagner un deuxième. Donc la plupart des camarades qui auraient été des papables naturels se sont défilés…

FD : Comme moi !

LR : Non, mais ceux qui avaient une ambition politique se sont dit qu’ils ne voulaient pas se brûler les ailes dans un échec électoral.

FD : Exactement !

LR : Donc il fallait trouver quelqu’un qui soit d’accord d’aller au casse-pipe !

FD : Notre campagne s’est faite avec le slogan « Deux socialistes au Conseil d’Etat, c’est juste, c’est nécessaire ! » et à la fin de la campagne, on a dit « Deux socialistes au Conseil d’Etat, c’est fait ! »

LR : Mais entre deux, il y a eu le 2ème tour où on disait : « Deux socialistes au Conseil d’Etat, c’est juste, c’est nécessaire, c’est possible ! ».

FD : Exactement ! Tu as regardé tout ça, moi je n’ai pas pris de notes pour aujourd’hui.

LR : Mais je m’en souviens !

FD : Ah oui ?

LR : Je n’étais pas au Parti, mais je me souviens. Il faut rappeler qu’au 1er tour le candidat PPN n’a pas été élu pour 5 voix. 5 voix de plus et il avait la majorité absolue !

FD : Je me suis trouvé dans une situation personnelle difficile, parce qu’André Perret était mon camarade d’école au progymnase, on avait été 4 ans ensemble et on s’entendait très bien. Ensuite la vie nous a séparés. Lui, il a épousé une fille d’agent immobilier, et moi je suis entré au Parti socialiste. Là, nos chemins se sont vraiment séparés. Tu me rappelles bien des choses, Loyse !

LR : Oui, je me souviens assez bien de ce 2ème tour, parce que je connaissais Rémy Schläppy. Il était directeur du home d’enfants de La Sombaille, et ma mère était directrice du home pour personnes âgées. Nous étions voisins et nous nous invitions réciproquement pour les fêtes de Noël des institutions. Mais reprenons. Tu nous as dit que tu n’avais jamais voulu briguer un mandat dans un exécutif.

FD : Non ! J’ai seulement été candidat au Conseil national en 1959, parce qu’après les fastes d’Auriol, mes camarades m’ont mis en liste. Fort heureusement je n’ai pas été élu.

LR : Peux-tu maintenant nous parler du conflit avec le POP, en 1969, conflit qui s’est terminé au tribunal ?

FD : Aïe, il faut dire que le POP de l’époque était stalinien. Pour Corswant, Conseiller communal et Steiger, professeur au Gymnase, qui étaient les leaders, tout ce qui venait de Moscou, c’était pain béni. Moi, ça n’était absolument pas mon idéal politique. Il y a eu des tas d’occasions de se confronter au POP, je ne me souviens pas des détails, mais ce n’était pas le grand amour, surtout pas ! Ce qui a finalement déclenché la guerre, c’est que le POP a fait campagne contre le Parti socialiste en disant que nous n’étions pas partisans des allocations familiales. Ils avaient bricolé une lettre que leur avait envoyée le comité cantonal et avaient habilement juxtaposé deux fragments de phrases qui pouvaient laisser croire que le Parti socialiste n’était pas favorable aux allocations familiales. C’était faux, c’était un faux en écriture, ça a mis le feu au Parti, et les avocats du Parti, Pierre Aubert, Raymond Spira, d’autres encore m’ont conseillé de porter plainte. J’ai déposé plainte contre le POP, qui a riposté par une contre-plainte contre nous. Il y avait un agitateur chez les popistes, c’était Louis Sidler, une sale gueule !

LR : On le surnommait le phoque, à cause de sa moustache !

FD : Eh bien, je ne savais pas ça ! C’est lui qui, au nom du POP, a déposé cette contre-plainte  contre moi, ce qui fait que tout cela s’est terminé au tribunal, devant le juge Rognon. C’était un sage, il nous a renvoyés dos à dos et il a mis les frais sur le dos du pauvre contribuable.

LR : Autre point fort à ton actif…

FD : Il y en aurait encore ?

LR : Oui ! La conférence tenue à La Chaux-de-Fonds le 29 avril 1971 par Edouard Depreux et Jules Humbert-Droz. Parle-nous de ces personnages et de cet événement.

FD : Ah oui ! Je sais que tu étais dans la salle. Je les connaissais tous les deux. Jules est arrivé à La Chaux-de-Fonds en 1959,  tout auréolé de son passé de militant international. Depreux, je l’avais connu par des contacts avec le PSA, Parti socialiste autonome. Ils avaient tous les deux 80 ans à ce moment-là et j’avais organisé une rencontre avec ces deux déçus du socialisme officiel, Jules Humbert-Droz déçu du stalinisme, et Depreux du « molletisme ». Il y avait beaucoup de monde, et je posais des questions.  J’ai gardé le petit papier qui m’aidait à poser les questions à l’un et à l’autre.  Ils s’étaient rencontrés pour dire leur rêve d’un vrai socialisme pur, dégagé de tous ces maquignonnages, de ces recherches de places et d’avantages. Voilà, je me souviens de ça !

LR : Après ta Présidence cantonale, tu as encore accepté de présider la section de La Chaux-de-Fonds pendant quelques années.

FD : En attendant que tu me succèdes. 

LR : Ce n’était pas en attendant, parce que je venais d’entrer au Parti, mais c’est vrai que je t’ai succédé.

FD : J’ai accepté cette présidence comme un service au Parti.

LR : Peux-tu rappeler les hauts faits des campagnes en 1972 pour les communales et 1973 pour les cantonales ? Sous ta présidence, on a mené une campagne tout à fait originale.

FD : Ah, on a poussé la chansonnette dans la ville de La Chaux-de-Fonds, j’en ai d’ailleurs un enregistrement. On a fait des petites chansons, d’ailleurs tu étais là ! Mais qu’est-ce qu’on chantait ?

LR : On avait pris des chansons populaires connues et on avait inventé d’autres paroles.

FD : On s’était foutu des radicaux, tu te souviens, qui avaient passé la Vue-des-Alpes et qui s’étaient copieusement engueulés.

LR : Ils avaient fait la marche du 1er Mars. Ils ne s’entendaient pas entre eux et ils s’étaient engueulés tout le temps… En plus des chansons, je ne sais pas si tu t’en souviens, nous avions fait nos affiches nous-mêmes. Et nous faisions de l’affichage sauvage.

FD : Et puis il y a eu les ruches, que l’on suspendait aux arbres du Pod, et le lendemain le Pod était transformé. Des ruches bleues étaient suspendues sur tous les arbres. C’était de belles années !

LR : Tu as été à l’origine d’un petit livre intitulé les Socios, pourquoi as-tu choisi ce titre ?

FD : Parce que tout le monde utilisait ce terme! En France maintenant on parle des Socialos, mais à l’époque c’était les Socios, les socialistes. Ce titre parlait à tous, à nous, à nos adversaires aussi.

LR : Quel était le but de cet opuscule ? Raconter l’histoire de la section ?

FD : Oui !

LR : Et tu as fait participer d’autres personnes à la rédaction.

FD : Oui, il y avait André Sandoz, il y avait Pierre Hirsch, je ne sais plus qui il y avait, on était plusieurs à avoir fait chacun un petit chapitre.[8] D’ailleurs, il doit y en avoir encore, du moins je l’espère, au local du PS. C’est peut-être l’occasion de te demander de m’en envoyer 5 exemplaires, s’il le faut avec facture !

LR : Tu parles ! Oui, il nous en reste quelques-uns.

Est-ce que la chute du mur de Berlin a suscité en toi des espoirs ? Et qu’en penses-tu aujourd’hui ?

FD : J’étais déjà sur l’autre versant, préretraité ou déjà retraité… C’était en 1989 ?

LR : Oui.

FD : Eh bien, j’ai pris ma retraite en 1988, donc tout cela était déjà éloigné de mes préoccupations, mais j’étais content de la chute du mur, oui.

LR : Et que penses-tu des relations entre le PS et le POP aujourd’hui?

FD : Elles se sont améliorées. Aujourd’hui je serais partisan d’un apparentement. Chacun a mis de l’eau dans son vin. Je suis cela de très loin, je n’ai pas beaucoup de choses à dire sur ces 20 dernières années…

LR : On parle beaucoup de la gauche plurielle, avec le POP, les Verts et le PS.

FD : Je la souhaite, mais je me rends compte à quel point c’est difficile. On a vu avec les élections au Conseil d’Etat récemment, la gauche n’a pas réussi à faire élire son candidat, parce qu’on n’avait pas un funiculaire pour passer par-dessus la montagne…

LR : Tu as été toute ta vie animé par ton idéal socialiste. Qu’aurais-tu envie de dire à la jeune génération ?

FD : Engagez-vous ! C’est un bel idéal de solidarité ! N’entrez pas au Parti pour en tirer un bénéfice, pour avoir une place. Allez-y pour trouver un terrain où votre envie de justice, de solidarité, d’égalité, je reprends ces vieux termes, peut éclore ! Mais la jeunesse, allez-y ! On a besoin de vous ! 

LR : Eh bien, ça sera une très belle conclusion !

 


[1] Alain Savary, Daniel Mayer, Edouard Depreux…

[2] Fernand aimait prononcer Vincent T’Auriol en insistant sur la liaison

[3] Vincent Auriol (1884-1966) avait donc 75 ans

[4] De 1959 à 1963

[5] Pierre Hirsch et Jacques Kramer à La Chaux-de-Fonds, René Meylan à Neuchâtel

[6] En fait, jusqu’en 1970

[7] Était-ce Hubert Dubedout, élu maire en 1965 ?

[8] Parmi les auteurs, il y avait aussi Jenny Humbert-Droz, Eugène Maléus et Edgar Tripet.

 

lundi, décembre 28, 2015

 

2015-12-28