Manifeste pour un socialisme pleinement féministe.

Chères et chers camarades,

Tout par hasard cette semaine, pendant une séance de classement des archives du PSMN, je suis tombée sur un petit fascicule datant de 1987, intitulé « Une force pour l’avenir, les femmes », dossier PSS, manuel pour l’application de la règle des quotas dans les sections. On y constate que l’égalité entre hommes et femmes est loin d’être réalisée, et on y prend de bonnes résolutions. Je me permets quelques citations :

  • Dans le cadre de ses objectifs, le PSS doit veiller à ce que les deux sexes soient représentés au Comité central, au Comité directeur ainsi qu’au sein des commissions et comités, proportionnellement à l’effectif de leurs membres, toutefois à au moins un tiers (réglementation des quotas).
  • Le secrétariat du PSS doit recenser statistiquement l’application de la réglementation des quotas au sein du PSS, dans les cantons et les sections et doit en présenter un compte-rendu à chaque Congrès ordinaire.

Belle résolution, pas toujours mise en pratique… J’ajoute un volet optimiste :

  • Le système des quotas s’imposera pour quelques années seulement, jusqu’en l’an 2000 peut-être, d’ici que les femmes représentent la moitié des instances du parti et des élu-e-s socialistes…

La phrase se termine heureusement par trois points de suspension, et elle est signée Yvette Jaggi, Conseillère municipale à Lausanne et Conseillère nationale.

Au congrès de 1986, le quota avait été fixé à un tiers, parce que les femmes représentaient en gros un tiers de l’effectif du PSS, mais il était précisé qu’il n’y avait aucune limite vers le haut. Le PSS était également censé veiller à ce que la réglementation des quotas soit appliquée par les partis cantonaux et les sections.

Bien sûr, des progrès ont été accomplis depuis lors, mais on n’a pas encore atteint les prévisions optimistes d’Yvette Jaggi, c’est-à-dire la moitié des instances du parti et la moitié des élu‑e‑s partout !

Il est aussi amusant de relever que l’article annonçant dans l’Impartial, l’Express et d’autres journaux le thème de notre Assemblée des délégués d’aujourd’hui a pour grand titre « Le sexisme existe aussi au PS », et se concentre sur cet élément du manifeste en occultant à peu près tous les autres.

C’est dire que le document que nous discutons aujourd’hui a pleinement sa raison d’être, et les délégué-e-s du PSN l’approuveront bien évidemment, avec les quelques remarques que je vous livre maintenant et sous réserve de la discussion de certains amendements.

Nous avons trouvé les textes d’analyse dans l’ensemble solides et bien argumentés. Ils mettent en évidence la persistance des stéréotypes, des relations de pouvoir, des différences de salaire et de conditions de travail, la situation plus précaire des femmes âgées, le difficile combat pour les droits citoyens, l’oppression sexiste et le travail non rémunéré – à ce propos ne pourrait-on pas trouver d’autres mots que ces horribles termes de « travail de reproduction » et de « travail de care » ? Il doit bien exister des mots plus compréhensibles pour le commun des mortels- !

Après l’analyse viennent les revendications, justifiées bien sûr. Ce qui nous gêne un peu, c’est que nous avons affaire à une sorte de catalogue, où tout semble être parfois d’une égale importance, où il n’y a pas de vraie priorisation des exigences. Par ailleurs, nous aurions aimé que l’accent soit mis sur l’équité et la justice pour tous, y compris pour les hommes qui se heurtent à de gros obstacles quand ils souhaitent diminuer leur temps de travail ou exercer des professions dites féminines. Il y a par exemple souvent des sous-entendus quand un homme travaille avec de petits enfants. Dans la version définitive et pour le plan d’action, peut-être y aurait-il lieu de peaufiner le texte en mettant l’accent, surtout dans le chapitre consacré au sexisme, sur le respect de la différence, la lutte contre la discrimination, pour tous et toutes, sans jugement, et l’abolition de la loi du silence dans les affaires de harcèlement, loi plusieurs fois remise en évidence ces derniers temps, que l’on pense à Harwey Weinstein ou à certaines émissions de télévision. Une petite remarque concerne la formulation française, qui contient ici et là des maladresses de vocabulaire.

Le dernier point que je vais soulever est un peu plus délicat. Dans les revendications, il y a beaucoup de « il faut », « on doit ». Il faut baisser le temps de travail, il faut augmenter les salaires, il faut augmenter les rentes AVS, il faut que l’État s’investisse davantage dans la prise en charge des enfants et des personnes âgées, et il faut bien d’autres choses encore. Le ton est parfois déclamatoire, entre les évidences bonnes à redire et à revendiquer et les idées nouvelles et plus originales. Mais il n’est nulle part question de ce que cela coûtera. Si nous ne voulons pas que les regards extérieurs et notamment ceux de nos adversaires politiques se focalisent sur ce qu’ils taxeront bien vite de « naïveté féminine », il est indispensable de proposer aussi des pistes de financement. C’est ainsi qu’on pourra tracer la limite entre réalisme, courage d’une nécessaire utopie… et illusion. Joyeux anniversaire, et la lutte continue !

 

La Chaux-de-Fonds, le 12 octobre 2017

Loyse Renaud Hunziker

2017-10-18