Le monde d’après, c’est à la fois notre nécessaire adaptation à ce qui va changer malgré nous et ce que nous allons décider de construire. « La folie c’est de faire toujours la même chose en espérant un résultat différent » a-t-on fait dire à Einstein… Dès lors, serait-il raisonnable de faire comme avant, de s’en tenir à nos habitudes ou d’oser le changement ? De prendre à contre-pied nos modes de fonctionnement ?

Le choix nous appartient. Individuellement, – mais est-ce toujours un choix ? –collectivement surtout.

Dans le champ de la santé, la crise sanitaire nous invite à élargir notre vision hospitalo-centrée, qui a animé les débats durant la dernière décennie, et à nous questionner sur la santé au-delà du temps hospitalier qui n’occupe pas la majorité de notre temps en soins.

Selon l’OMS (1946) la santé est « un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en l’absence de maladies ou d’infirmité ».

C’est un vaste concept qui ne se laisse décortiquer, à travers ses nombreux déterminants (modes de vie, salaires, conditions d’habitation…), acteurs (patients, médecins, assurances…) et enjeux (économiques, sociaux…), qu’avec du temps et l’envie de se confronter au complexe.

Pour autant, la santé concerne tout un chacun. La santé qu’on reçoit à la naissance, dont on hérite et qu’il s’agit de potentialiser ; celle qui se péjore au fil de temps et qui nécessite un investissement pour être préservée ; celle qui nous lâche et pour laquelle on a besoin d’aide pour « faire avec », au quotidien. La santé qu’on retrouve après des épreuves, « mais pas tout à fait comme avant », dans un monde qui a poursuivi sa course, sans nous, durant cette parenthèse.

Comme sur bien d’autres plans, nous ne sommes pas égaux face à la maladie : chacun de nous part avec une histoire dont il n’est pas maître : « Que vais-je faire de ce qu’on a fait de moi ? »

Un contexte :

Les maladies non transmissibles augmentent, et concernent une population de plus en plus jeune. Une vulnérabilité inégale et on parle alors d’inégalité sociale de santé. Si le confinement a été une première épreuve pour nombre d’entre nous, provoquant un repli sur soi, un isolement, une diminution de l’activité et une surconsommation alimentaire, l’impact économique annoncé est de nature à augmenter durablement les risques pour la santé.

Comment collectivement allons-nous choisir de compenser ces inégalités ? Quelle vision avons-nous à l’échelle communale ?

Garder un mode de vie sain :

Les recommandations sont unanimes : pour faire face aux agressions de la vie, qu’elles soient virales ou sociétales, une santé équilibrée est nécessaire. Facile à dire me direz-vous ?

Comment manger quotidiennement cinq fruits et légumes quand le budget est serré, quand les enfants ronchonnent pour avoir des frites, quand je n’ai jamais appris à cuisiner ou que, chez moi, on mange des pâtes à tous les repas ? Comment faire du sport quand il m’est difficile de monter les escaliers sans être essoufflé ? Comment prendre du temps pour moi quand le canapé m’appelle après ma journée d’atelier ? Comment arrêter de boire ou de fumer, quand c’est ce qui m’apporte un peu de sérénité ? Comment prendre soin de moi quand je me sens mis sur la touche ?

Au-delà des risques économiques que nous présage le ciel de traine, il y a également les risques psycho-sociaux : perte du travail, dé-socialisation, repli sur soi, perte du mouvement et consommation de succédanés euphorisant…

Comment, collectivement, allons-nous choisir de renforcer le système pour que le contexte à venir n’influence pas négativement l’état de santé global de notre population ?

Et d’ailleurs, pourquoi répondre à cette question collectivement ?

Qu’on le veuille ou non une commune est un ensemble de personnes qui ont choisi de vivre au même endroit. À l’image d’un organisme vivant primaire, nous devons maintenir un équilibre propice à la vie : ce que les biologistes appellent « homéostasie », les sociologues « systémique ». Qui pourrait se traduire par « Le destin des uns influence les destins des autres et réciproquement ».

Les choix politiques :

La santé apparaît rapidement comme une thématique qui traverse tous les dicastères, qui est cause ou conséquence de toutes les décisions prises sur le plan fédéral ou cantonal, mais aussi à l’échelon communal.

Par exemple, les stratégies de soutien à l’économie qui seront mises en place devront empêcher que « nourrir ses proches » ne devienne un cadeau empoisonné obligeant de choisir entre quantité et qualité.

Les choix urbanistiques ne réservent pas la ville aux plus aisés, ni aux plus agiles

Que les mesures visant une intention écologique n’entravent pas les déplacements par un effort financier insurmontable , et que cela contribue au bien-être

L’éducation : qu’elle soutienne des apprentissages en voie de disparition ; qu’elle encourage la mise à niveau à tout âge de compétences qui feront peut-être la différence dans ce monde d’après !

Alors, quelles stratégies sanitaires axées sur de la prévention, accessibles à tous et basées sur des approches collectives de la santé pourrions-nous définir ?

Pour mémoire, sur 1000 adultes exposés à un trouble de la santé, seuls 9 seront hospitalisés[1]. Qui va répondre aux 991 autres ? Quelle réponse  leur sera apportée ?

De nombreux pays ont fait le choix de développer leur système de santé autour des soins primaires avec pour résultat plus d’efficacité, plus d’efficience et une meilleure qualité de vie. Cela permet aussi de favoriser la lutte contre les inégalités sociales de santé. Par « soins de santé primaires », nous entendons les soins de premier niveau, c’est-à-dire le niveau du système de soins qui est la porte d’entrée dans le système de soins, qui offre des soins généralistes, globaux, continus, intégrés, accessibles à toute la population et qui coordonne et intègre des services nécessaires aux autres niveaux de soins[2].

Comment, à l’échelon communal, peut-on articuler une politique cantonale de santé publique et une organisation communautaire au plus près de la réalité de vie et des besoins de toutes nos concitoyennes et tous nos concitoyens ?

C’est un choix de société. Vous pouvez être acteurs de la réponse en choisissant des candidats ouverts à la question !

Anne Bramaud du Boucheron

[1] , selon White dans « the ecology of Medical care »

[2] Macinko 2003

2020-10-01