Lucerne a cru à tort qu’une baisse drastique de la charge fiscale suffirait à attirer les entreprises. La règle est valable pour les sociétés boîtes aux lettres, comme l’indique la croissance explosive de leur nombre. Des sociétés peu intéressantes en termes d’emplois et de ressources fiscales et qui sont susceptibles de plier bagage d’un jour à l’autre. Alors que les entreprises désirant s’installer durablement cherchent d’abord des infrastructures de qualité, un environnement scientifique de haut niveau et du personnel qualifié. Toutes conditions que Lucerne ne fait que dégrader avec sa politique d’économies, ce qui rend donc le canton moins attractif.

Le grand argentier du canton de Lucerne ne craint pas la réforme de l’imposition des entreprises. Le canton pratique actuellement le plus faible taux de Suisse, soit 12,5%.

Pour rester compétitif, il n’aura donc pas besoin de le réduire encore. Par ailleurs, le canton abrite peu de sociétés à statut spécial. Leur éventuel départ n’affaiblira donc pas la substance fiscale.

Ce que le magistrat ne dit pas: sa politique de sous-enchère fiscale initiée en 2012 a surtout attiré des sociétés «boîtes aux lettres» qui n’ont créé ni emplois nouveaux ni ressources fiscales nouvelles. Au lieu des 16 millions supplémentaires attendus, cette politique a creusé le déficit budgétaire, tout comme chez ses voisins de Schwyz, Obwald et Nidwald.

Par contre, selon le procureur cantonal, cet afflux de sociétés fantômes – leur effectif a plus que triplé – a conduit à l’ouverture d’un tel nombre d’enquêtes pénales que les dossiers accumulés représentent 7 ans de travail pour la police judiciaire.

Pour couvrir le déficit, le canton aligne les programmes d’économies: 220 millions entre 2013 et 2015 et 330 millions pour les trois prochaines années.

Désormais le secteur privé est appelé à l’aide pour financer les bourses d’études et pour construire la nouvelle faculté d’économie. Les élèves des écoles secondaires et professionnelles doivent bénéficier d’une semaine supplémentaire de vacances, pour une économie de 4 millions. Les institutions culturelles ne sont pas épargnées: le festival international de musique, l’orchestre symphonique, le musée d’art, le théâtre et le musée des transports voient leur budget rogné pour compenser les cadeaux fiscaux consentis aux entreprises.

La ville de Lucerne connaît les mêmes problèmes. Se targuant d’être fiscalement plus attractive que les riches communes de la Goldküste zurichoise, elle a dû déchanter. Si 35 sociétés ont installé leurs sièges dans la capitale depuis 2012, elles ont rapporté seulement 1,2 million au fisc communal.

Lucerne a cru à tort qu’une baisse drastique de la charge fiscale suffirait à attirer les entreprises. La règle est valable pour les sociétés boîtes aux lettres, comme l’indique la croissance explosive de leur nombre. Des sociétés peu intéressantes en termes d’emplois et de ressources fiscales et qui sont susceptibles de plier bagage d’un jour à l’autre.

Alors que les entreprises désirant s’installer durablement cherchent d’abord des infrastructures de qualité, un environnement scientifique de haut niveau et du personnel qualifié. Toutes conditions que Lucerne ne fait que dégrader avec sa politique d’économies, ce qui rend donc le canton moins attractif.

Et voilà que maintenant Zoug annonce vouloir abaisser son taux d’imposition des entreprises à 12%. La course-poursuite continue…

De plus Lucerne se retrouve sans budget pour 2017. L’UDC a lancé le référendum contre une augmentation limitée à deux ans seulement du coefficient annuel de 1,6 à 1,7, telle qu’adoptée par le Grand Conseil. La votation est planifiée pour le mois de mai.

D’ici là, les bénéficiaires de subventions pour les primes d’assurance-maladie attendront. La fiscalité paradisiaque ne profite pas à tout le monde.

Jean-Daniel Delley

Article paru dans Domain public, le 5 janvier 2017

2017-01-06